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Partout sur le lierre ?

champignons non lichénisés
Jean-Yves
Jean-Yves

Le 18 février dernier, Yves Brien m'annonçait la découverte sur son île d'une nouveauté française, sur lierre : Arthopyrenia platypyrenia. Microscopie à l'appui, ce ne pouvait guère être que ça. Je lui ai toutefois conseillé de communiquer sa trouvaille à Claude Roux, qui a confirmé. Yves l'a depuis lors – en fait, dès l'après-midi de son observation initiale – d'abord trouvé en trois nouvelles stations de la même commune, et les jours suivants sur les quatre communes de l'île, toujours sur lierre !

Le 23 février, profitant d'une visite aux mouettes de la pointe du Raz, j'ai sauté sur la première touffe de lierre rencontrée. Bingo ! Il y était, abondant. Et quelques jours plus tard, à l'occasion d'un court séjour à Brest, je l'ai retrouvé sans difficulté dans deux stations littorales, sur Brest et sur Plouzané. De retour dans le Cap Sizun, j'en ai revu chez moi, puis sur les communes d'Audierne et d'Esquibien. Toujours sur lierre, et chaque fois sur les premiers lierres saxicoles, terricoles ou corticoles repérés lors d'un arrêt ! La liste des découvertes immédiates s'est plus récemment allongée : deux stations sur la commune de Séné, dans le Morbihan, et une localité finistérienne nettement plus intérieure (12 km du front de mer), chez Rémy Ragot, à Pluguffan.

Arthopyrenia platypyrenia, pointe du Raz
Arthopyrenia platypyrenia, pointe du Raz

Arthopyrenia platypyrenia est un champignon non lichénisé non lichénicole, mais d'un genre généralement pris en considération par les lichénologues. Il se présente comme des groupes plus ou moins étendus de points noirs à la surface de l'écorce. En réalité, des périthèces, plutôt larges pour des Arthopyrenia puisque leur diamètre peut atteindre 0,7 mm, mais très aplatis, à peine saillants, d'où son nom (en grec, platy = aplati, pyreno = pépin, graine). La microscopie permet de confirmer, par la taille des spores (20-30 x 8-12 µm) et la présence de 3 à 5 (plus rarement jusqu'à 7) cloisons, la spore étant resserrée au niveau des cloisons. On en trouvera une bonne description sur Fungi of Great Britain and Ireland.

Arthopyrenia platypyrenia, spores (Goulien)
Arthopyrenia platypyrenia, spores (Goulien)

En moins d'un mois, jusqu'alors inconnu en France, A. platypyrenia a ainsi été identifié dans 13 communes morbihannaises et finistériennes ! Le fait qu'on le trouve en outre immédiatement ou quasi immédiatement dès qu'on le recherche, et sa fréquente abondance dans les stations prospectées, indique qu'il s'agit d'une espèce répandue et commune, du moins dans la zone envisagée jusqu'à présent (à une exception près, communes littorales du Finistère et du Morbihan). Il est donc probable qu'on le trouvera ailleurs en Bretagne, et peut-être au delà.

Il y a peu de temps encore, il était considéré comme un endémique britannique rare (surtout Irlande), mais avait été trouvé en 1996 dans le sud de l'Italie où il est également dit « extrêmement rare ». Ces observations en Bretagne changent donc foncièrement la vision que l'on pouvait avoir de sa répartition et de son abondance.